Qu'est-ce que l'écologie politique?
La Grande Transformation du XXIè
Siècle

Alain Lipietz

Colloque franco-allemand: Travail, Emploi, Activité,
Paris, 9-10 octobre

Éditions La découverte, Paris, 125 pages, 43 francs.



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Introduction

Qu'est-ce que l'écologie politique ? Est-ce une science – et alors pourquoi ne pas parler d'écologie ? Est-ce une politique ? La politique de ceux qui veulent une " bonne écologie " ? Les deux à la fois. L'écologie politique est l'écologie d'une espèce particulière, l'espèce humaine, une espèce sociale et politique. Mais c'est aussi un mouvement social pour transformer l'écologie réellement existante de notre espèce humaine. C'est donc une politique, mais c'est aussi une éthique : une aspiration morale à plus d'harmonie, d'autonomie, de solidarité, de responsabilité.

L'écologie humaine ne se réduit pas à " l'environnement ", même si elle se fonde chez certains sur l'amour de la Nature. " Comme on fait son lit, on se couche " : c'est notre mode de vie, de produire, de consommer, de nous distraire, qui remodèle notre environnement. L'écologie politique est une science sociale, la politique écologiste est d'abord une politique sociale : une politique du " mieux vivre ", mais ce mieux vivre prend en compte les conséquences de nos actes sur notre santé, celle de nos proches, sur cette Nature que nous empruntons aux générations futures.

Dans mes livres précédents, en particulier Choisir l'audace. Une alternative pour le XXIè siècle, dans Vert-Espérance. L'avenir de l'écologie politique, et surtout dans La Société en sablier. Le partage du travail contre la déchirure sociale, j'ai surtout insisté sur cet aspect : la dimension sociale de l'écologie politique. Certains ne s'y sont pas reconnus, n'y ont pas reconnu l'écologie. " Mais l'environnement ? la Nature ? les animaux ? ". Je persiste : l'écologie politique, c'est d'abord la façon dont nous vivons ensemble. Non que j'oublie l'effet de cette activité sur l'environnement : une autre partie de mes travaux porte sur la géographie économique. Mais, je le reconnais, cette spécialisation n'est qu'une partie de ce qu'on appelle écologie politique. Isolée, elle devient une simple économie sociale.

Dans ce petit livre, j'ai voulu resituer l'écologie sociale dans le cadre plus général de l'écologie politique. On n'y trouvera guère de développement sur le partage du travail, le tiers secteur, la politique économique (dont traite La Société en sablier). On n'y parlera guère du rapport entre hommes et femmes dans leurs activités, et pourtant, comme le dit Francine Comte, " le premier environnement de l'Homme est le ventre de sa mère ", et pourtant, la division sexuelle est la matrice de nos sociétés, et donc de leur trace sur l'environnement. Nous n'y parlerons pas non plus de la défense des droits de la personne humaine au sein des sociétés constituées en État : on ne parlera pas de la politique de l'immigration.

On y parlera donc surtout d'environnement, de la défense de la Nature, de la Terre, " patrimoine commun ". Mais on le fera sous un angle essentiellement social et politique. Comment réorienter notre développement économique pour le rendre " soutenable " : conforme aux besoins de la génération actuelle, à commencer par ceux des plus démunis, sans compromettre les droits des générations futures à une Terre vivable, harmonieuse et belle ?

Après avoir défini dans un premier chapitre ce qu'est l'écologie politique, puis dans le chapitre II ce qui fonde une politique écologiste, je présenterai brièvement au chapitre III une histoire écologique de l'humanité, qui sera hélas l'histoire de ses crises, débouchant sur empilement des crises actuelles, qui les résume toutes et introduit un nouveau type : les crises " globales ". Il s'agit des crises dont la cause est n'importe où, et les conséquences s'étendent sur la planète entière. Dans le chapitre IV, nous verrons les moyens de " dompter " les crises locales, dans le chapitre V les moyens d'éviter qu'elles ne se généralisent à la planète, dans le chapitre VI nous considérons l'une des plus graves crises qui rythmera le XXIè siècle : la crise de l'effet de serre.

J'ai conscience du caractère résolument européen de ce petit livre. Je n'aborderai qu'à peine les crises du Sud, glisserai sur les mouvements écologistes des États-Unis pour n'évoquer que le caractère profondément anti-écologiste du développement de ce pays, et je soulignerai l'importance d'une politique écologiste de l'Union Européenne.

L'Europe est aujourd'hui dans une phase décisive de son histoire. Mère du colonialisme, du capitalisme et de la plupart des crises écologiques actuelles, l'Europe a pris la décision inouïe de s'unifier par un processus d'association volontaire. Fondée sur la conscience des crimes, des guerres et des horreurs passées, l'union de l'Europe s'est amorcée par l'économie. Elle entre maintenant dans une phase politique. Parce que son histoire est lourde, l'Europe est un continent expérimenté. Les législations sociales, le souci de construire pour le bien commun, y sont plus développés qu'ailleurs. Tout est relatif, mais le " modèle européen ", ce que nous avons en commun et qui fonde notre volonté d'association, c'est bien cela, plus que nos politiques industrielles et nos modèles de compétitivité !

L'Europe ne pourra conquérir le cœur de ses habitants et l 'estime de ses partenaires sur la planète, que si son unification politique offre le modèle d'un choix, organisé et conscient, pour le développement soutenable : une Europe écologiste et solidaire.

Puisse ce petit livre y contribuer.



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